Un beau week-end aéro — Lannion – Jersey – Dinard

8 février 2008

Vendredi, milieu de matinée : l'invitation

Un anticyclone règne sans partage sur la France et augure d’un superbe week-end. Je me décide enfin à appeler le club pour réserver un avion, n’importe lequel, n’importe quand. C’est dire si j’ai envie de profiter du soleil.

Quelques heures plus tard, le téléphone sonne. « Dis, ça te dit, un week-end en Bretagne ? David nous invite.» En avion, évidemment. Nouveau coup de fil au permanent au club. J’annonce mes desiderata d’entrée. Un avion pour tout le week-end. C’est à mon avis perdu d’avance mais qui ne tente rien n’a rien. Petite manipulation sur le planning et me voici avec QN, le 160ch de la flotte, de samedi midi à dimanche soir. Inespéré ! Branle-bas de combat donc. J’ai une nav à préparer. Au programme, une invitation sur la côte rose tout le week-end avec en bonus, le brunch dimanche matin chez les Grands Bretons à Jersey. Qui dit Angleterre dit survol maritime avec les beaux gilets, un plan de vol et surtout la radio en anglais.

Je commence à être un peu excité. Ça va être mon premier voyage depuis bientôt six mois que j’ai mon brevet. Le rituel classique de la préparation de nav commence, accompagné des précautions pour un voyage. La carte est dépliée en grand, le trait tout droit est tracé. Ça sera un départ par l’Aigle, Argentan, Avranches et son terrain sur la plage puis Dinard, survol de la baie de Saint-Brieuc et puis on avisera pour la directe ou la visite touristique. J’épluche les dizaines de NOTAM sur le chemin, prend les cartes des terrains proche de ma route au cas où. C’était peut-être prémonitoire...

Samedi midi, arrivée au terrain - en route pour l'aventure

Les habitués du samedi sont attablés au banquet du maître-queux Jean. Il ne faut rien oublier, prendre de l’huile pour faire les niveaux (que j’oublierai...), vérifier que les cordes, bâches et barre de tractage sont à bord. Et surtout, il va falloir emmener les gilets de sauvetage pour aller à Jersey. Mise en route un peu en retard. On est attendus pas trop tard pour aller voir une île à pied. Et la marée n’attend pas. On verra bien. Je préfère ne pas me précipiter avant de partir.

Le QN, rempli d’essence, 190L, plus quelques bagages à l’arrière, est lourd. Le terrain gras, les 700m de la piste 10 défilent lentement au début puis enfin assez rapidement pour pouvoir tirer doucement sur le manche et monter tranquillement. Avec son hélice grand pas, il n’est pas réputé pour grimper aux rideaux au décollage alors qu’en croisière, il avance bien. Prise de cap, la classe A au-dessus de nous, royaume des liners, monte au fur et à mesure que l’on s’éloigne de Paris pour finalement me mettre en montée jusqu’au FL65.

L’avion trimé, le contact radio établi avec Paris Info, je n’ai qu’à surveiller que tout se passe bien pendant que l’avion vole tout seul. Tiens, j’ai cru apercevoir quelque chose tomber de la verrière. Je ne vois rien d’anormal, peut-être une mouche ou une grosse poussière qui s’est décollée. Ah cette fois, je suis sûr, je vois des gouttes. Le coupable est bientôt trouvé : le compas. Le liquide qui fait flotter le compas est en train de fuir... Bon... peut-être 15 minutes que l’on est partis... Décision ? Il fait très beau, visibilité sans aucun problème, ça doit rester comme ça tout le week-end, la fuite est limitée et on a un GPS (éteint) dans la soute. On continue et on avisera. En attendant, MacGyver en place droite bricole une rustine pour le compas avec un mouchoir et un pansement. Histoire de ne pas en avoir trop sur les genoux. La visibilité est extraordinaire depuis le FL65. De l’Aigle, on voit le Havre sans aucune difficulté à 100 km environ. Ça permet aussi de recaler la route, même si je suis tiré puis poussé par le VOR de l’Aigle, puis par celui de Dinard. J’ai un peu de mal à suivre mon trait et me retrouve toujours à côté assez significativement alors que je suis le VOR. Un trait pas très précis sur ma carte ? Le vol continue.

Rencontres en altitude

Le ronronnement du moteur dans mon casque est interrompu par un message radio de temps en temps sur Seine Info. « … un Grumman de Toussus à Guernesey etc. » Je me dis, tiens un Grumman, tiens de Toussus. A droite, ça réfléchit plus vite que moi et dans l’intercom « eh mais, c’est Philiiiippe ! ». Comme le ciel est petit ! Seine Info nous autorise à nous saluer rapidement. On évite quand même de se donner rendez-vous à Jersey dimanche matin sur la fréquence. On fera ça par téléphone.

Avranches se profile et annonce la baie du Mont Saint-Michel. Le spectacle est magique, les vagues brillent en dessous de nous. La région est superbe, vue d’en haut. Saint-Malo arrive déjà, les fortifications de Vauban offrent leur géométrie à l’objectif aiguisé de ma copilote.

Saint-Malo

Les messages radios s’enchaînent, je négocie, enfin j’informe Rennes Approche de mes intentions de transiter par la verticale du terrain. Perché au niveau 65, je ne dois pas trop les déranger et le transit est accordé sans souci. Nouvelle petite traversée maritime alors que la baie de Saint-Brieuc s’étale devant nous. Que faire ? Transiter le long de la côte et rallonger un peu ? Ou couper ? Finalement, je décide de tirer droit sur Paimpol et ensuite, nous prendrons le chemin touristique. Pendant ce temps, un petit quizz occupe le contrôleur en essayant de deviner le code OACI du Tecnam P2002. Finalement, le pilote ne sait pas non plus. Rennes Info a fort affaire avec un avion derrière moi, alors que je veux me mettre en descente pour arriver à Paimpol à une hauteur un peu plus touristique. Puis c’est l’île de Bréhat avec toutes les couleurs d’une palette de bleu, rose, vert. En fait, je cherche l’île sans la trouver. A ma décharge, comme c’était marée basse, il paraît qu’elle est assez peu démarquée du continent.

Bréhat

Brest étant inactif, je tente de contacter Iroise pour le peu qu’il nous reste à suivre la côte. Un avion sur la fréquence bat le record du plus long message inutile sur la fréquence. Au bout de quatre échanges, Iroise clôt la conversation par un « eh bien, dans ce cas, vous pouvez quitter la fréquence » et je peux placer mon message qui maintenant ne sert plus beaucoup. La CTR de Lannion est en auto-info le samedi et je transite par les points publiés Port-Blanc, Trévou-Tréguignec et Perros-Guirec. Les noms sentent la Bretagne, c’est sûr ! Intégration par la verticale terrain puis en me reportant en vent arrière 11, un avion m’annonce qu’il va décoller en 29 puis partir au nord pour des exercices. Sans doute sort-il de l’aéroclub. Ses messages radios sont très clairs. J’allonge la vent arrière vers la mer et quand j’arrive en base, il a déjà dégagé le circuit. Atterrissage après 2h15 de vol. Je parke mon avion à côté d’un gros TBM qui a fière allure avec son long nez cachant la turbine.

La marée a des impératifs d’horaires que, petit pilote VFR, je n’avais pas et ne nous a pas attendu. Elle remonte déjà et compromet en partie l’excursion pédestre entre les îles que nous devions faire. En contrepartie, nous verrons un superbe coucher de soleil depuis le phare de Ploumanac’h.

Coucher de soleil breton

Préparation studieuse

La soirée s’achèvera avec la préparation de la nav du lendemain matin vers Jersey. Le trajet en lui-même n’est pas compliqué. Cap au 060° pendant 30 minutes et on devrait tomber sur l’île. C’est surtout l’anglais qui m’inquiète. Je connais la phraséo sur le papier mais ne l’ai jamais pratiquée en conditions réelles. Ça fait quelques semaines que je me disais que j’allais m’entraîner à Chavenay. Je suis au pied du mur mais je ne suis pas sûr d’être fluent et de trouver les mots au bon moment. David nous donne le déroulement type de cette nav dans la classe A des Channel Islands et l’on répète un peu. Il reste à poser les plans de vol, ce qui est fait auprès du BRIA du Bourget qui a le droit à 5 plans de vol (2 traversées maritimes pour les 2 avions et un retour de nuit). Le planton en a eu pour son argent.

Dimanche matin, réveil matinal.

Le thermomètre affiche une petite pincée de degrés mais il fait déjà grand beau. QN a sagement dormi dehors et nous attend… frigorifié. Je découvre avec horreur une couche de 5 millimètres de givre sur les ailes. Le côté au soleil a très légèrement commencé à dégeler mais il va falloir dégivrer l’avion. Oui mais comment ? Je n’ai pas emmené 10 litres de glycol avec moi… Système D. Je sors toutes mes cartes de réduction de magasins et nous commençons à gratter soigneusement la toile des ailes. Ça n’avance pas vite et le renfort des 2 passagers de David ne sera pas de trop. Il nous faut plus d’une demi-heure pour venir à bout de cette surprise hivernale.

Dégivrage en équipe

Surprise hivernale

Mise en route pour Jersey.

Nous décollons en 11. Nous devons nous retrouver vers la côte vers 1000 ft. Je contacte Iroise pour activer notre plan de vol et la traversée commence. J’ai pris les devants car je ne vole qu’à 110 nœuds alors que le Wassmer peut croiser plus vite. Il nous rattrapera donc. Je monte à 3000 pieds pour avoir un peu d’eau sous la quille.

Avec le gilet

La visibilité est correcte mais l’horizon est laiteux à cause d’une belle couche d’inversion. Il est temps de se remémorer l’heure de vol en VSV avec les lunettes : bien travailler le circuit visuel, surveiller l’altitude ne pas faire des virages trop inclinés. Je demande à Rennes Info à quitter la fréquence 30 secondes le temps de pouvoir prendre l’ATIS de Jersey. J’oublie que j’aurais pu le faire grâce au récepteur VOR du bord. L’ATIS de Jersey a ceci de particulier (et pratique quand on n’a qu’une radio, comme nous) qu’il émet sur une fréquence sur la bande réservée au VOR. Rennes me dit même de quitter et d’appeler ensuite Jersey. Je prends l’ATIS et passe sur la fréquence de Jersey. Longue inspiration et c’est parti. « Jersey, Fox-Trot Golf Kilo Quebec November, good day » Etrange sensation, rien que le fait de donner l’immatriculation me donne l’impression de parler anglais. « F-QN, squawk 1234 — one two tri four FQN » Ensuite, c’est très simple, le plan de vol dit déjà tout de nous. « FQN, radar identified. QNH is 1030, say your altitude. — Tri taouzènde feet, FQN » Je découvre le vol sous contrôle radar. David est derrière et a dû remettre du charbon dans le moulin du Wassmer. Le contrôleur anglais le fait descendre alors qu’il nous passe dessous sur le côté gauche. Il file maintenant droit en longue finale. Ne connaissant pas le terrain, je suis légèrement désaxé, plus ou moins tiré par le VOR que j’avais réglé au cas où le manque de repères visuels en mer ne nous égare momentanément. Je suis à mon tour guidé et vectorisé vers la finale comme un A320. « FQN, contact tower on one one niner decimole four five and report traffic in sight. » Yes, m’am, I will ! Je travaille le plan en finale. « FQN, cleared to land runway 09 » Le PAPI vire un peu au rouge à la faveur d’une bonne turbulence provoquée par la côte. Posé pas cassé et je laisse rouler sur la longue piste de 1700 mètres jusqu’à la bretelle au fond. « FQN at aeroclub apron to leave frequency » ponctué d’un Au revoir en français dans le texte de la contrôleuse. Un camion citerne vient jusqu’à nous pour faire le plein. Le pistolet est taillé pour remplir des ailes énormes et le remplissage du réservoir principal est assez épique. C’est le club qui va être content, 1,20€ le litre. Vive la détaxe.

Mom, I was there!

Le décalage horaire aidant, il est une heure plus tôt et nous sommes à l’heure pour nous offrir un solide brunch au Millibar (le bar du club). Nous retrouvons Philippe et son Grumman, « croisé » la veille sur la fréquence et qui a fait le saut de puce de Guernesey. Pour 5 £, le cholestérol coule à flots à grand renfort de saucisses, œufs, beans et un grand café. Nous voici solidement préparés pour une petite marche digestive pour aller voir la mer à Saint-Aubin. Nous traversons un quartier où tous les noms de rues sont en français, ou plutôt en jersiais, dialecte normand. Une route descend entre les champs et de jolies maisons jusqu’à la baie.

La baie de Saint-Aubin

C’est l’heure de rentrer. Après avoir payé les taxes (raisonnables vu le service rendu, suivez mon regard Rouen, Deauville…) et l’essence, retour à l’avion. La procédure est particulière, il faut demander la mise en route comme le Boeing 737 de British Airways qui décolle au même moment sur la piste. Comme convenu, je laisse la radio en anglais pour le retour à ma co-pilote. Ça fera un baptême chacun. « Jersey, F-GKQN, good day — FQN, Jersey, pass your message — FQN, Robin 400 at aeroclub apron with Juliet, request start-up — FQN start-up is approved, report when ready to taxi ». Je coupe la radio, démarre et le grand cirque en anglais peut recommencer. « FQN, taxi to Delta holding point ». Je repère le point D sur la VAC décalquée hier soir (oui, j’ai honte…). « FQN report when ready to copy your clearance » Oui, ça ne rigole pas à Jersey, on est en classe A donc en special VFR et on n’improvisera pas la sortie. « FQN, squawk xxxx, after departure, right turn, direct Dinard, not above one thousand feet » Il faut tout collationner et ne pas se perdre sur le terrain pendant ce temps. Je ferai un beau tour sur moi-même après m’être trompé… Après les essais moteurs, « FQN, line-up runway 09 and wait » puis « FQN, cleared for takeoff 09, wind is xxx ». Décollage sur les 1300 mètres disponibles devant. Nous retrouvons la baie de Saint-Aubin puis la traversée à 1000 ft/mer (300 mètres de haut) commence. Heureusement, le moteur ne sait pas que l’on est au-dessus de l’eau et qu’il n’a donc pas de raison de tomber en panne ici. Cap au sud, tiré par le VOR de Dinard, il faut juste bien faire attention à l’altitude. Nous profitons de cette vue inhabituelle. Puis doucement, le Wassmer nous rejoint sur la droite pour former la patrouille que l’on voulait faire le matin. Nous avions même pensé à faire tout le vol en patrouille avec un seul plan de vol, mais ça aurait bien compliqué les échanges radio. Je suis chef de patrouille ! Ça en jette mais c’est le plus simple. Il faut voler rester stable, même cap, même altitude. C’est une patrouille non armée et pourtant ça mitraille de toute part !

Moi en chef de patrouille

Patrouille avec le Wassmer

Retour en France

Le plateau des Minquiers, vaste champ d’îlots mal pavé pour nos amis marins, marque l’arrivée en France et le passage avec Rennes Info. Il semble qu’il y ait beaucoup d’avions sur la côte qui profitent de cette belle après-midi et Rennes nous demande à chacun de faire un 360° de retardement au-dessus de l’île de Machin. Regards perdus dans le cockpit... Nous décidons que ça sera l’île là-bas devant un peu à gauche. Après coup, ça devait être l’île de Cézembre, point ND de la CTR de Dinard. J’ouvre l’œil, David amorce son virage par la gauche, je fais le mien par la droite. J’essaie de faire un virage à taux 1 (à 15° d’inclinaison donc) pour que le virage me retarde réellement de deux minutes. En rappelant après le virage, nous sommes autorisés à intégrer le circuit pour la 17. La visi n’est pas exceptionnelle, je ne connais pas du tout le terrain. La paire d’yeux supplémentaire m’aide à trouver le terrain et je me retrouve en finale. Atterro pas très orthodoxe avec du vent de travers de la droite et une aile droite qui reste un peu en l’air. Je dégage par la deuxième bretelle pour me garer au pied de la tour. Nous devons dédouaner puisque nous venons d’un pays non Schengen. C’est un acte administratif assez long et pénible. Nous passons devant le panneau « douanes » sous lequel il n’y a pas d’agent puisqu’aucun vol commercial ne part ou n’arrive. Et nous avons passé la douane... Visite de courtoisie à la tour. Les moyens sont bien différents de ceux de Chavenay avec ses deux pistes en herbe.

Retour au bercail

Il est bientôt 16 heures et il reste encore un peu plus de 1h30 de vol. La nuit n’attendra pas. Nous repartons. Je laisse la radio à ma copilote. Départ par la gauche après autorisation. « QN, quel sera votre altitude initiale ? — On va monter au FL55, si possible. » Il fait toujours aussi beau, autant monter tout de suite. Même route qu’à l’aller : le Mont Saint-Michel, Avranches, Flers, Argentan, l’Aigle et la maison. Et le vol va être riche d’enseignements !

La baie du Mont-Saint-Michel

Entre le Mont Saint-Michel et Avranches, Brest Info nous informe d’un Pilatus au décollage de Granville dans nos 10-11 heures. Puis les informations trafic le font se rapprocher à 9-10 heures et quasiment au même niveau. Notre quatre z’yeux zyeutent l’horizon mais on ne le voit pas. Entre Avranches et Flers, en faisant le point, nous identifions une vallée, une ville. Le cap et la montre nous situe assurément sur la carte. Pourtant, je vois une ligne électrique sur ma droite. Si je l’aperçois à 2000 m d’altitude, elle doit être sur la carte. Mais non, je ne la vois pas. En avançant, un pylône correspond. Et je comprends l’erreur, la carte est pliée trop près du trait et la ligne se trouvait à 1 cm de l’autre côté… Premier enseignement, ne plus jamais plier la carte si près de son trait. Ça cache trop d’éléments importants sur la carte.

Il me faut pourtant me recaler fréquemment par rapport à la route dessinée sur la carte. A tel point que l’on se pose de vraies questions sur le fonctionnement du VOR. Nous sommes hauts, voyons parfaitement de grandes villes que nous identifions. Le VOR de l’Aigle nous situe à côté de notre route, celui de Caen à au moins 20 milles de notre position et pas mieux pour Deauville. Cette fois, c’est sûr, le récepteur VOR de l’avion bat de l’aile, ce qui explique les mêmes écarts à l’aller. Nous sommes maintenant avec un compas qui fuit et n’est peut-être plus assez lubrifié et un VOR que je déclare en rade. La bonne humeur en rentrant d’un beau week-end règne à bord. Au détour d’une conversation, j’aperçois l’horizon artificiel qui me montre en virage de 10-15° à gauche. Ça me perturbe vraiment, comme un nœud au cerveau. L’horizon est un peu laiteux et je me dis que je dois avoir la main lourde. Je me remets « à plat » et là, je suis sûr de ne plus être à plat justement et d’être en virage. Je cherche l’indicateur de dépression de la pompe à vide : l’aiguille est lamentable scotchée à 0, bien loin de la plage verte de fonctionnement… J’en informe ma copilote. L’avion vole, nous sommes haut, les autres paramètres sont dans le vert, on continue dans l’immédiat. Tout au moins, je m’accorde une petite minute pour bien faire le tour de la situation. Sans pompe à vide, je n’ai plus d’horizon artificiel, plus de conservateur de cap (et déjà plus de compas vraiment fiable), plus de coordinateur de virage. J’ai sans doute le tort de ne pas avoir exposé clairement dès le début que l’avion volait toujours bien et que je me concentrais un instant sur cette panne en continuant de voler. Cette situation provoque une petite tension à bord. Peut-être un excès de raisonnement scientifique pour vouloir comprendre la panne. Je réclame le manuel de vol que l’on ne retrouve pas derrière dans notre gourbi. Je voulais vérifier qu’il n’y avait pas de fusibles ou autre à contrôler. Deuxième enseignement, savoir où est le manuel de vol à tout moment. Je récupère le pansement du compas pour le coller sur l’horizon artificiel qui penche vilainement et le gyrocompas. Ça me rappelle mes premiers vols où aucun instrument ne semblait ne plus marcher à grand renfort de post-it suivant les facéties de mon instructeur un peu avant mon lâcher. Merci Xavier !

Nous écartons l’hypothèse de cheminer sur les grandes routes en dessous de nous. En fait, nous cheminons, mais du regard. De notre perchoir, c’est comme si nous faisions l’écart de quelques nautiques pour suivre exactement telle route ou telle voie de chemin de fer. A chaque ville, nous suivons la route de l’œil et identifions les bouts de forêt pour confirmer le chemin. L’expression « au cap et à la montre » n’a jamais eu autant de sens pour moi. Travers sud de l’Aigle, Paris Info joue avec nos nerfs alors que nous venions de voir les installations du VOR de l’Aigle. « QN, vous pouvez quitter la fréquence et passer avec Pontoise » !? « Euh… QN, on passe travers de l’Aigle — Au temps pour moi, QN, vous restez avec moi » Merci, Monsieur !

La fin du vol sera un peu plus calme, mise en descente pour arriver à Dreux à 3000 pieds et retrouver la classe A de Paris, en territoire connu. L’écurie approche. Le retour au parking marque la fin d’un superbe week-end aéro, complètement inattendu. Merci David pour l’invitation !

Bilan du week-end

5h30 de vol, premier découchage avec l’avion (givre), premier survol maritime, la radio en anglais pour la première fois (sans le foutu examen de compétences linguistiques, le FCL 1.028, qui n’était pas encore en vigueur à trois semaines près, na !), gestion de deux pannes. Le pilotaillon de 75 heures que je suis est vanné mais ravi d’avoir tant appris.