Trois générations à bord

Encore un dimanche ensoleillé... Décidément, ça en deviendrait lassant pour nos amis terriens.

Mais ce dimanche midi, pour le traditionnel repas familial, je ne me sers pas d'apéritif ou alors juste pour le goût. J'en profite pour insister lourdement sur le beau soleil dehors. La conversation du gars qui n'a rien à dire, me direz-vous. Oui, mais un pilote, quand il y a un grand ciel bleu et qu'il est enfermé, a les yeux qui vagabondent à travers la fenêtre. C'est sa nature. Nature qu'il faut combattre aussi au boulot. Peut-être est-ce pour cela que je n'ai plus ma grande baie vitrée pour regarder les avions aller et venir autour de Toussus. Le coin de ciel bleu est alors dans l'esprit, uniquement.

Tout en subtilité, disions-nous, je lance à ma grand-mère : Et si on allait voir la Cathédrale de Chartres, tout à l'heure ?. La Cathédrale, c'était un symbole, sujet de jeu familial, un phare sur la route des vacances dans le Perche. Comme le terrain de Chartres est en bordure de la ville au nord, on la verra très bien. La réponse n'est pas très franche :-) Je laisse le repas passer et retourne à la charge. J'appelle le club pour vérifier les disponibilités. Québec Novembre, le 160 chevaux, est le seul avion de libre à 18h. J'ai déjà volé une fois dessus avec mon instructeur. Il est plus puissant et plus lourd. Il faut être vigilant sur les vitesses, mais sinon il vole exactement pareil.

En cette saison, le soleil se couche autour de 19 heures. Et c'est l'occasion de profiter de lumières assez incroyables, d'ombres qui se dessinent derrière des collines insoupçonnées en plein jour.

En arrivant au terrain, le QN nous attend sagement sur l'herbe, seul. D'autres pilotes n'ont pas pu résister au grand soleil et profitent, là-haut. Je vais faire ma prévol tranquillement pendant que mes passagères se préparent. J'attrape deux casques. Il est temps d'installer mes hôtes. Recommandations habituelles : ne marcher qu'ici, se tenir là même si on se sent stable, histoire de ne pas passer à travers l'aile. J'avais un petit doute sur l'accessibilité du cockpit du DR400. Il faut littéralement grimper sur l'aile, avec une marche de 40-50 cm. Les hangars regorgent toujours de bric-à-brac et je trouve un marchepied qui solutionne le problème. Ma mère est installée derrière, ma grand-mère devant pour ne pas la forcer à plus de contorsions.

Mère et fille

Mise en route. Un des casques du club semble malheureusement avoir un micro HS. Décidément, je n'ai pas beaucoup de chance de ce côté. J'explique le décollage, le circuit de départ. Nous sommes au point d'arrêt à attendre le décollage, face au soleil, comme promis. La 05 en service, je décolle donc vers le nord-est. Je monte tranquillement. Et une fois face à l'ouest, vers 1800 pieds, c'est le doute ! J'ai le soleil en plein dans les yeux, normal. Mais il est complètement diffusé par la couche de crasse qui est restée bloquée en basse altitude. Après avoir constaté la situation tout haut, je cogite intérieurement. Improviser un vol ailleurs vers le nord pour être plus tranquille, mouais... Renoncer, je serais déçu d'avoir fait faire une heure de route pour rien mais s'il faut se rendre à l'évidence. Finalement, la route vers Chartres est plus sud-sud-ouest et les conditions sont meilleures en volant plus bas. Je décide de continuer.

La fin de journée est généralement plus calme niveau vent. Toute cette journée l'a été, de toute façon. Mais c'est le moment que choisissent souvent les montgolfières pour voler. C'est vers Epernon que l'on en croise trois ou quatre. Leur ballet au-dessus de la vallée de l'Eure est somptueux.

Ballon à Epernon

Le petit jeu familial peut commencer à mesure que l'on s'approche de Chartres. Je m'annonce à trois minutes de la verticale du terrain et l'on scrute. Bingo, la cathédrale, le terrain. Je m'intègre pour faire un toucher sur la piste. La longue finale nous fera ainsi passer à une envergure des flèches de la cathédrale. Je sens les regards tournés à droite pendant que je travaille en finale pour faire un toucher propre.

En finale à Chartres

Au revoir sur la fréquence de Chartres, et cap retour. Les ballons sont en train de finir leur promenade. Un Cessna qui doit faire route droit sur Rambouillet aussi. Il arrive de ma gauche, sans doute un peu dans le soleil. Bref, la théorie dirait que j'ai la priorité. Mais je ne réfléchis pas et fais un beau virage à gauche, histoire de passer derrière. Je ne sais pas s'il m'avait vu avant mais il nous salue et remercie d'un joli battement d'ailes.

Cela fait plusieurs virages que je sens comme une crispation à ma droite, surtout pour les virages à droite. Il faut dire que la visibilité à bord du Robin est très bonne, et la sensation de vide doit être assez impressionnante en virage. On n'a pas arrêté de parler depuis le début, donc tout va bien. Il est déjà temps de se poser pendant que le soleil finit de se coucher.

Frein serré, moteur coupé. On recommunique normalement sans les casques. J'ouvre la verrière et j'entends ma mère derrière, On est posés, c'était S.U.P.E.R. !!. C'est le coup de fil pour rassurer (?) mon père resté à la maison, réfléchissant sans doute maintenant à la prochaine bonne occasion pour venir. Ma grand-mère a apprécié la promenade aussi. Je m'excuse un peu des conditions de visibilité pas optimales, tout en promettant la mer une prochaine fois ?

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J'étais impatient d'avoir mon brevet pour faire ce vol. Mon grand-père aurait voulu être pilote de brousse en Afrique, j'ai pu faire voler ma grand-mère. Les passions sautent des générations, parfois, dit-on. Son sourire est dans un appareil photo mais bien ancré dans ma tête. Je devais avoir une belle tête moi aussi, vu le commentaire tout simple mais juste du chef pil : "C'est beau de voler, hein ?".

Ça n'a juste pas de prix de faire voler ceux que l'on aime.