Breveté !

De retour de vacances, après un atterrissage dans le cockpit d'un A321, j'ai l'esprit libre pour prendre rendez-vous avec l'examinateur. C'est bizarre, j'attends forcément ce moment depuis un petit moment maintenant. Mais j'ai l'impression de reculer un peu pour téléphoner... Enfin, le jour est fixé, ça sera samedi 18 août. Reste le choix de la route, j'énumère les terrains que j'ai déjà fait. Ça sera Chavenay - L'Aigle - Etampes. L'Aigle, je ne connais pas sinon que c'est après Dreux et que le chemin de fer y va. J'ai quatre jours pour me préparer. Organisation : impression des cartes des terrains-étapes et de tous les terrains sur le bord de ma route.

Vendredi : RTT

Histoire de me préparer tranquillement. Choix de la route, un beau triangle direct sans fioriture et sans VOR (comme ça, il ne pourra pas me le mettre en panne...). Le VOR de l'Aigle est un peu au nord de la ville, je le garde sous le coude au cas où. Je prévois de monter au FL45, s'il fait beau et si le vent le permet. La branche L'Aigle-Etampes passe par Senonches, difficile à rater, puis au nord de Chartres. Je fais un saut au terrain en fin d'après-midi pour faire le plein de l'avion, laver l'avion, bref, faire en sorte qu'il soit prêt samedi matin pour le grand jour. Je suis venu un peu tôt, l'avion soit encore voler. Je patiente en relisant le manuel de l'avion pour me remettre en tête les valeurs des vitesses caractéristiques, faire une copie de la feuille de pesée et centrage. Pour le dernier vol de la journée, le chef-pilote me dit qu'il fera le plein en revenant et oublie. J'attrape mon casque et saute dans l'avion pour faire l'aller-retour à la pompe. Tout est paré, je raconte une histoire à l'avion pour l'aider à s'endormir et qu'il ne fasse pas de cauchemars en pensant à la dure matinée qui l'attend.

Le grand jour

J'arrive pile à 8 heures à l'aéroclub, assez détendu. Le PC a un peu de mal à démarrer... J'ai déjà pris la météo chez moi mais sans imprimante, il faudra refaire le point. Je grimpe en salle de briefing et déplie mes cartes, sors mes logs. Je commence mon exposé : déballage des papiers de l'avion (tiens, un nouveau format de certificat de navigabilité qui nous laisse perplexes tous les deux), choix de la route et de l'altitude, les terrains envisagés, le bilan carburant, le centrage. Tout est prêt. On redescend vérifier les NOTAM et la météo. Grand beau temps chez nous, pas de météo précise sur l'Aigle, mais il fait déjà beau vers Evreux. Le vent est calme au décollage, ça fera ça de moins à gérer pendant le vol. Première mise en route ratée, mon doigt a un peu glissé du démarreur. Roulage pour la 23 et décollage !

Déroutement météo

Je commence à m'éloigner du terrain quand le contrôle me rappelle à son bon souvenir. Finalement, j'ai peut-être un peu l'esprit occupé... A tout à l'heure, Bravo Juliet ! Je m'applique à décrire toutes mes actions. Je monte au fur-et-à-mesure que l'on s'éloigne des zones de Paris. En passant Dreux, je continue jusqu'au FL45 comme prévu. Je mixture et fais mon top sur l'Eure. Quelques minutes plus tard, je me rends compte que devant, c'est pas super... Il reste 10-15 minutes de vol jusqu'à ma première étape, les cumulus devant moi sont plus bas, je n'ai pas de météo précise. J'annonce que je redescends pour voir comment c'est en dessous. Check descente : plein riche, altimètre au QNH et j'annonce l'altitude de sécurité. J'estime les nuages vers 2000 ft. Je vois que les premières barbules se rapprochent, j'annonce un 360° pour descendre tranquillement et voir venir. Le temps est en train de se lever, ce ne sont pas des stratus mais des cumulus en train de bourgeonner. Pendant la descente, je parle à voix haute, que l'on ne pourra pas de toute façon faire une arrivée standard par la verticale. Vers 1500-1600 ft, je rappelle mon altitude de sécurité (1300 ft) et annonce que je ne descends pas plus et qu'on n'ira pas. Bonne décision, je prends les commandes pour voir. On descend un peu plus et effectivement, on pourrait juste voler au ras du plafond, la visi est bonne.

Je remonte au-dessus des nuages morcelés. C'est quoi la ville en dessous ? Recale-toi, prends ton temps et route sur Etampes C'est Verneuil-sur-Avre. Prouve-le ! La voie de chemin de fer, les routes, les châteaux d'eau et de toute façon, ça colle avec les estimées. Cap au 130 vers Senonches pour rattraper ma route prévue. Sa grande piste de 2 km saute dans le pare-brise. Puis, c'est Dreux sur le côté gauche et enfin l'Eure sous mes ailes. Je fais mon estimée et mon passager jusque là assez discret me harcèle de questions. C'est quoi la ville en dessous ? et celle-là ? Comment en être sûr ? Je reconnais l'aqueduc de Maintenon mais suis persuadé d'être plus au sud. Me voilà à cercler le temps de situer la voie de chemin de fer, la forêt de Rambouillet, Chartres. Emmène-moi à Bailleau, déroutement. C'est à peine à 3 minutes de vol, mais c'est un terrain de planeurs caché derrière un bosquet et je vais un peu galérer... Bref après avoir rebondi sur l'autoroute, Eurêka. Evidemment, le FE n'a jamais perdu le terrain de l'oeil... Reprise de la route vers Etampes, les éoliennes, j'écarquille les yeux pour trouver les deux hangars caractéristiques... Etampes sera le moment de faire quelques tours de piste dans différentes configurations dont un sans volet et un atterrissage de précision. La finale et la montée initiale à Etampes sont toujours aussi turbulentes sans que je ne me l'explique trop. Déjà 1h55 de vol, ça sera un complet pour souffler un peu.

Mania

Mon FE profite de cette pause pour commencer à débriefer, les petits conseils, les trucs à améliorer (action-contrôle, je coupe la pompe, je vérifie la pression, etc.). Bon point pour le déroutement météo, contrôler plus fréquemment la dérive du conservateur de cap (qui foutait bien le camp aujourd'hui), rien de rédhibitoire pour l'instant. Ouf ! Je descends de l'avion pour me dégourdir les pattes et c'est reparti. Mania annoncée au programme. Le trajet Etampes-Chavenay, c'est du connu : Dourdan, le péage de Saint-Arnoult. Et là, le soleil fait son oeuvre, les cumulus commencent à bien pomper. Les vélivoles doivent se réjouir mais moi, ça ne m'amuse pas trop. Je dois garder l'altitude à 150 pieds. Les nuages m'aspirent d'un coup vers le haut. La classe A est à 2000 pieds, moi à 1800. J'ai un peu de marge, mais je veux m'appliquer. Nous voici au milieu des champs et un peu plus d'air sous la quille. C'est parti pour la mania : décrochages en lisse et avec volets, vol aux grands angles (j'ai dû faire répéter pour comprendre vol lent...), virages à 45° à vitesse constante à gauche et à droite (tout juste corrects en partie à cause des pompes sous les nuages) et quelques pannes en campagne (avec un choix de champ pas très malin). Bref, je commence à avoir bien chaud. Retour au bercail. Le contrôleur sympa lit dans mes pensées et me "suggère" d'aller à la pompe, j'avais oublié. 2h55 de vol.

J'ouvre la verrière, le chef pilote et la bande du samedi sont attablés. Alors ? Je n'en sais rien encore, je reste sur une mauvaise impression de la mania et mon FE me lance un bref C'est bon !. Je vous laisse imaginer le sourire que ces trois mots décrochent. Fin du débriefing et ça y est, j'ai le papier vert (après un rose et un bleu :p) !

Il me faudra un coup de fil à mes parents et à mon FI qui me submerge de Super, super, je suis content pour toi, génial ! pour réaliser complètement que, oui, il semblerait que j'ai décroché le PPL !

Ça y est je suis un Petit Pilotaillon Léger, il ne reste plus qu'à voler et à essayer mes nouvelles ailes.