En route pour la ville aux cent clochers

La météo ? pas volable !

Le classique du matin : ouverture des volets, je vois un avion très haut dans le ciel, dans un trou de ciel bleu. Mais en tournant la tête catastrophe, brouillard à couper au couteau. Je regarde la météo à Toussus : 200 m de visibilité horizontale et le brouillard touche le sol. A Rouen où je dois aller, ce n'est pas mieux. Je me recoucherais presque, tiens. Mais non, j'ai dessiné de beaux traits sur ma carte pour aller à Rouen. J'appelle mon instructeur : Rappelle-moi tout à l'heure, j'ai un créneau à 13h30.

LFPN 270900Z 31005KT 0200 R25/0250N FG VV/// 03/03 Q1031
LFOP 270904Z 30003KT 0100 R22/M0200 FG BKN001 02/01 Q1032 BECMG 500 FG

12h45, l'heure de partir. Il fait maintenant grand soleil chez moi. Le temps se dégage timidement à Toussus (100 mètres de plafond nuageux...) mais c'est déjà beaucoup mieux à Rouen. Je pars !

LFPN 271130Z AUTO 28005KT 5000NDV SCT003 BKN048 05/04 Q1033
LFOP 271130Z 27004KT 5000 SCT018 06/05 Q1033 BECMG 8000

En chemin, le brouillard me retombe dessus à Saint-Cyr. J'appelle l'ATIS, le répondeur de la tour, sur mon portable. Le terrain est fermé à tout vol d'avion mais ouvert aux hélicos. Ah ? Bouh... je continue. Au pire, je vais faire les soldes à Plaisir... J'arrive au terrain : il fait beau au sud, moche au nord, pas mal à l'ouest. Je fais voir la préparation de ma nav : choix de la route quasi-rectiligne, discute de l'altitude, etc. Et c'est décidé, on y va !

1ère branche : Chavenay - Rouen

Cela fait un mois que je n'ai pas fait de nav et encore, c'était Pontoise, tellement rapide que je n'avais pas eu le temps de m'appliquer à suivre mon log. Cette fois, il y a 85 km pour y aller, soit environ 30 minutes de vol. Il faut que je me remette dans le moule naviguer de point en point avec précision. Je joue à saute-mouton avec un petit nuage et m'installe vers 2000 ft. J'essaierai un peu plus haut, mais je reste là finalement. Premier point de passage : les cheminées de Porcheville qui trônent sur la Seine. Difficile à rater et en plus, c'est comme le Port-Salut.

La centrale thermique EDF de Porcheville

Pas très buccolique, comme début de nav mais sitôt passé Mantes-la-Jolie, j'aurai les méandres de la Seine pour m'accompagner jusqu'à Rouen. Sur la droite de l'appareil, vous pouvez admirer sur le haut de la falaise le terrain de Mantes-Chérence, nid de planeurs bien endormi en ce jour d'hiver. Mais pas le temps de rêver, dans 5 minutes, je vais pénétrer dans la zone d'Evreux. Bizarrement sur la fréquence d'Evreux Approche, j'entends une voix de répondeur sans trop comprendre le message. A mon tour, Evreux Info, F-BVSV bonjour. Et là, je me prends un long message qui m'explique en gros que les militaires à Evreux ne sont pas là et qu'il faut passer sur 119.7 en auto-info. Je passe sur cette fréquence et raconte donc à qui veut m'entendre que je suis à 3 minutes de Vernon et que je vais à Rouen. Un peu après, un avion se reporte à Gaillon. C'est où ce bled ? Coup de bol, j'ai le doigt dessus sur la carte. Je contourne soigneusement le site d'ArianeEspace dont la zone dangereuse ne m'inspire pas confiance : Essais de propulseur ARIANE. Présence d'une flamme d'hydrogène invisible de jour. Mise à feu possible sans préavis., l'idée de servir de merguez ne m'excitant guère...

La Seine court toujours en dessous de moi et doit m'attirer le retard car, insensiblement, je suis son cours et m'écarte de mon trait sur la carte. Gaillon Heureusement, les abords des rives sont assez facilement reconnaissable et je me recale.

Il est temps d'appeler Rouen pour leur dire que l'on arrive. En fait, ils doivent bien le savoir car j'ai dû appeler un planton de service pour déposer une intention de vol. A quoi ça sert ? Très certainement à rien, à emmerder un soldat derrière un bureau, le pilote qui veut se déplacer et à faussement rassurer l'opinion publique. Mais bon, j'ai rempli cette formalité par téléphone avant de partir et le planton m'a souhaité un bon vol. J'écoute l'ATIS de Rouen et une fois notée l'information, je m'empresse de régler la fréquence de Rouen. Erreur ! Je n'ai pas quitté la fréquence précédente, Evreux Info. Pas bien ! Du coup, je recherche la fréquence sur ma planche et remet celle du répondeur. Pas bien ! Eh oui, j'ai perdu la fréquence d'où je viens... Mon FI m'évite de réécouter la fréquence et je remets 119.7 juste pour dire à qui m'entend Evreux Info, SV, au sud des Andelys, je quitte la fréquence, au revoir. Pendant ce temps, je n'ai plus fait attention à l'altitude et ai perdu quelques centaines de pieds...

En très très courte finale !!

Je suis à 5 minutes du terrain, j'ai la carte d'approche sous les yeux. Sierra Victor, rappelez base main gauche 22 Là, j'ai beau réfléchir, regarder ma carte, je n'arrive pas à trouver de quel côté de la piste, je peux faire un virage à gauche pour rejoindre ce foutu terrain. Assis sur ma chaise, c'est évident, là-haut, je sèche lamentablement. Eurêka ! Je suis maintenant en finale pendant qu'un IFR raconte sa vie (le message est sérieux, mais trop long pour moi) et la piste se rapproche. Je commence à envisager très sérieusement la remise de gaz. Ouf, silence. Je balance un Victor Sierra Victor en très très courte finale 22 à 10 mètres du sol. Ça y est je suis autorisé à atterrir.

2ème branche : Rouen - Etrépagny

Etrépagny, petite bourgade de l'Eure, est célèbre de tous les bachoteurs du théorique PPL. J'avais entendu ici et là qu'il était bien caché. Et bien, ce terrain existe, je l'ai vu et suis tombé pile dessus. Le terrain est réservé aux voisins, donc pas pour moi. J'avais donc prévu de passer à la verticale et continuer tranquillement. Perdu, on va descendre faire une remise de gaz. Je sors ma carte. J'arrive verticale et cherche la manche à air : Elle est où c'te chaussette ? — T'as pas regardé ta carte ? Bing dans mes dents... De toute façon, je dois faire un deuxième passage face au vent (dont je devine la direction à 30 km de Rouen). Cette fois, c'est bon. Je remonte la piste 500 ft au-dessus de l'altitude du circuit, tour de piste standard et bye-bye.

etrepagny.jpg

3ème branche : Etrépagny - Home sweet home

L'odeur de l'écurie me donne des ailes, à moins que ce ne soit à l'avion, je ne sais plus. Je comptais comme tout pilote bien élevé m'annoncer cinq minutes avant de pénétrer la zone de Pontoise mais je confonds deux bleds en bas et c'est déjà Magny qui arrive à une minute devant. Tant pis, je m'annonce et hérite d'un nouveau code transpondeur pour le suivi radar. Cette fois, je tiens mon altitude mais un peu moins le cap. Les Mureaux se profilent devant avec le retour des agglomérations et le croisement de la Seine. Je suis toujours à 2000 pieds, on m'annonce un trafic convergent même hauteur et le terrain est à un peu plus de 5 minutes maintenant. Je décide de battre en retraite et de descendre. Sierra Victor pour descendre et quitter la fréquence, sous-entendu avoir cette charge en moins en repassant sous la zone de Pontoise. Je prends l'ATIS de Chavenay et surprise la piste en service a changé. Pourtant le vent est le même, faible. Apparemment, c'est pour éviter d'atterrir, le soleil couchant dans les yeux. Même topo qu'à Rouen, je suis à une minute du terrain en surcharge CPU, n'arrivant par le Nord que pour la 2ème fois. Et là, un cafouillage infâme avec le contrôle. Je suis numéro 2.

SV, vous avez un instructeur à bord — Affirme — J'ai pas mal de départs qui attendent, vous pouvez faire un circuit basse hauteur ? — OK Ça ne me fait pas plus plaisir que ça après 1h30 de vol, mais bon... Correction, faites un tour de piste standard Je m'annonce en finale et nouvelle voix en provenance de la tour Autorisé atterrissage 05, le vent blabla C'est pour moi sans ambiguité, je me pose. Mon FI qui n'a pas entendu la même chose que moi me fait remettre les gaz. Sierra Victor, vent arrière 05 pour un _complet_ Mais laissez-moi rentrer ! :-)

Un vol de 1h45 auquel je ne croyais pas le matin-même, une trace GPS pleine d'enseignements pour débriefer à la maison : je ne tiens pas mon axe au décollage, un circuit visuel en vol plus rigoureux pourrait m'éviter d'errer de temps en temps. J'inscris ce vol sur mon carnet, tiens, 20h tout rond, double commande + solo cumulés. Comme le temps passe.

P.S. : Non, je n'ai pas vu la mer de Rouen... :-) Rouen